C'est une Ségolène Royal "requinquée", "ressourcée", "apaisée" qui fera sa rentrée politique samedi prochain à Melle dans les Deux-Sèvres, endroit "tranquille et symbolique" où elle se sent protégée. Comme chez elle. L'ex-candidate du PS à l'élection présidentielle a volontairement peu donné de ses nouvelles pendant l'été. Elle a profité de cette coupure indispensable pour se remettre physiquement et psychologiquement de la dureté de la campagne, de l'épreuve du résultat du second tour, et de ce qu'elle qualifie pudiquement de "reconstructions personnelles".
Expression qu'elle utilise pour évoquer, sans la nommer, sa séparation, intervenue avant l'été, d'avec François Hollande, le père de ses quatre enfants, avec lesquels elle a tenu à passer toutes ses vacances. Comme soudée à ses petits devenus grands (la dernière, Flora, est largement adolescente), elle coule, en ce moment, ses derniers jours de vacances dans la maison familiale de Mougins où elle prend plaisir à cuisiner, recevoir des amis à déjeuner et profiter sans retenue de ces heures d'intimité.
Des "reconstructions" qui, confie-t-elle, lors des rares occasions où elle accepte d'abandonner le masque du sourire et de la maîtrise de soi, lui ont permis, à elle comme à ses enfants, de crever un abcès formé depuis de trop longs mois et de repartir sur des bases claires. "Nous avons beaucoup parlé entre nous. L'équilibre familial s'est réorganisé autrement, et s'est peut-être même renforcé." La trêve estivale l'a "définitivement délivrée de l'amertume". Elle admet avoir souvent pensé à cette phrase de Nietzsche: "Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts."
"Le temps n'est plus aux règlements de compte"
Beaucoup plus prolixe en revanche sur sa vie publique, la présidente de la région Poitou-Charentes a choisi avec soin la date du 25 août pour sa première intervention publique, qui se fera à l'issue d'un pique-nique informel, une semaine exactement avant les universités d'été de La Rochelle. Elle sait qu'elle y est très attendue. En décidant de parler avant le traditionnel rendez-vous de La Rochelle devenu l'an dernier, par sa seule présence, un véritable "barnum", elle sait que l'attention ne se focalisera pas, cette fois, sur sa seule personne. La présidente de région interviendra à ces universités, en tant que puissance invitante, dès l'ouverture des travaux, le vendredi 31 août, entourée des cinq nouveaux députés socialistes de Poitou-Charentes. Elle a prévenu ses proches qu'ensuite elle se ferait discrète.
Des proches qu'elle n'a cessé de consulter, le plus souvent au téléphone, tout au long de l'été. Jean-Louis Bianco, Julien Dray, Sophie Bouchet-Petersen, François Rebsamen bien sûr, mais aussi Gaëtan Gorce ou Aurélie Filippetti. Débarrassée, délivrée même de la campagne présidentielle, un carcan qu'elle avoue ne pas avoir toujours bien « maîtrisé », faute de recul et d'expérience, Ségolène Royal a l'intention, désormais, de maîtriser son calendrier. "Entre la campagne interne du PS et la vraie campagne, j'ai été sur la brèche pendant presque un an, comme à marche forcée. J'ai dû gérer, parfois à la hâte, les déséquilibres. Il y a eu des dysfonctionnements et des erreurs sur lesquels j'ai pu réfléchir. C'était une expérience à la fois merveilleuse, exaltante, et épuisante. Aujourd'hui, j'ai le temps, je choisis, je contrôle."
Si elle se rendra à l'étranger où elle est beaucoup demandée, ses voyages seront comptés: à ce jour, un déplacement est prévu, le 9 septembre, en Italie, à l'occasion de la fête du quotidien de gauche, L'Unità ; un autre suivra au Québec au milieu du mois ; peut-être un troisième encore aux Etats-Unis, en octobre. Totalement prête à "réinvestir" pleinement le champ politique, Ségolène Royal n'est, pour autant, pas pressée. Persuadée que rien ne peut se faire ni sans elle ni contre elle, elle compte jouer un rôle "important" dans le processus de rénovation du PS qu'elle imagine "forcément long". Elle acceptera, prévient-elle, toutes les responsabilités qui lui seront confiées par ceux qu'elle nomme toujours ses "camarades". Son entourage est prévenu: "Le temps n'est plus aux règlements de comptes. Les comportements passés appartiennent au passé. Ressasser, c'est de l'énergie perdue."
"Une ligne moderniste, éclairée et rassembleuse"
L'ouvrage, à paraître cet automne aux éditions Grasset (dont le titre - encore provisoire - pourrait être Une étrange défaite), ne sera surtout pas un livre revanchard ou amer. Bien au contraire. Mais une réflexion qu'elle espère "honnête" sur les points forts et les points faibles de sa campagne. "J'ai attendu pour faire mon autocritique, mais je la fais. Pour mieux rebondir, pour redémarrer." Parce qu'elle a le sentiment d'avoir vécu une aventure exceptionnelle avec les Français, une aventure qui lui a apporté de la densité, de la maturité et le cadeau si précieux qu'a été "leur espoir et leur confiance", l'ex-candidate à l'élection présidentielle regarde le futur congrès du PS, dans un an, avec détachement.
Se projette-t-elle comme future patronne du PS ? La question lui semble absurde. "Je ne suis pas du tout dans ces stratégies." Même chose pour les courants. Créera-t-elle le sien ? Elle n'en a aucune idée et, pour l'instant, aucune envie. "J'ai été candidate au nom de tous les socialistes. Pourquoi devrais-je m'enfermer dans un courant?", a-t-elle laissé échapper, récemment, devant un de ses interlocuteurs. Le mot courant lui semble presque obsolète. Tout juste pense-t-elle que les militants de Désirs d'avenir devraient "naturellement" adhérer au PS. Le site internet de l'association sera réactivé afin de garder un contact permanent avec les Français.
D'ici au congrès socialiste - un horizon encore "lointain" pour elle -, elle compte, en tout cas, travailler dur. Entourée de sa petite équipe d'experts économiques et internationaux: Pierre Moscovici, le banquier Matthieu Pigasse, l'économiste Thomas Piketty, Bruno Rebelle pour les questions écologiques auxquelles elle s'intéresse tout particulièrement. Sur tous ces sujets, elle s'emploiera à proposer des idées neuves. En phase avec l'évolution de la société, des idées qui constitueront progressivement un corpus idéologique, une ligne politique "moderniste, éclairée et rassembleuse". Pas question que se reproduise le flottement idéologique qui a prévalu pendant la campagne sur des questions aussi importantes que les 35 heures, le temps de travail, la sécurité, ou le besoin de protection des citoyens.
Convaincue que les nouveaux adhérents du PS gagnés en 2007 attendent autre chose que des vieux sujets mille fois ressassés, Ségolène Royal ne regrette pas le départ de ceux qui n'ont pas résisté aux sirènes de l'ouverture sarkozyste. "Au contraire, cela crée un appel d'air." Un appel d'air qu'elle a bien l'intention d'utiliser à son profit. Foi de Ségolène. "Lorsque j'étais à la Guadeloupe, tous ceux que je croisais m'appelaient 'la femme debout'. Comme au temps de la campagne. Rien ne m'a fait plus plaisir. Rien ne correspond plus à la réalité qui est la mienne aujourd'hui."(jdd 19/08/07)