13/05/2009
Jean-Marc Jancovici : « On vit à crédit écologique »
Dans « C'est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde » [1], Jean-Marc Jancovici nous force à voir une vérité qui dérange : notre économie vit comme si l'énergie était infinie et bon marché. Continuer à l'ignorer, c'est aller au-devant d'un chaos certain. Entretien.
Jean-Marc Jancovici [2] est le « monsieur crise énergétique » de Nicolas Hulot [3], dont il avait contribué au pacte écologique [4]. C'est à ce titre qu'il a participé au Grenelle de l'Environnement [5] dans le groupe « changement climatique » [6]. Cet ingénieur polytechnicien partage aussi son temps entre l'enseignement, l'écriture, et sa société de conseil en réduction d'impact climatique pour les entreprises, Carbone 4 [7] (fondée avec son co-auteur l'économiste Alain Grandjean). Il a aussi créé les outils permettant de faire son bilan carbone personnel [8].
Au fil de ses conférences, sur un ton jovial et spirituel, à la limite du moqueur, il répète que ce qu'il avance est « juste destiné à sauver la planète ». Pourquoi ? C'est très logique :
« Le prix de l'énergie conditionne la transformation du monde. Et si on n'a plus d'énergie abondante à un prix faible, l'économie freine. Or le prix du pétrole a été multiplié par dix entre 2000 et 2008. On l'avait tragiquement oublié. »
« En apparence, la vie continue comme avant »
Petite explication pour comprendre le titre de son livre : c'est « maintenant » que la production de pétrole atteint son maximum, avant de décliner. Cette énergie dont toute l'économie dépend ne sera bientôt plus disponible, il est donc urgent de s'adapter.
« Pour un tas de gens, en apparence la vie continue comme avant. Mais si on ne réoriente pas l'économie avec un préavis suffisant, cela se fera de manière spontanée et extrêmement violente. » (Voir la vidéo)
« Pas de repas gratuit »
Qu'on soit prévenu : le seul choix qu'il reste est « entre la souffrance et la mise au régime, mais il n'y aura pas de repas gratuit ». Et puisqu'en économie tout passe par le prix, il faut en donner un à ce qui nous pose problème, donc taxer la consommation de carburant (et donc les émissions de CO2) par le biais de la « taxe carbone » [9].
Une taxe douloureuse certes, mais qui ferait naître des opportunités. Avec ses recettes, l'Etat pourrait augmenter ses ressources, diminuer la TVA ou d'autres taxes, ou les consacrer à la nécessaire transformation de l'économie.
Car demain, dans un monde qui aurait entendu Jean-Marc Jancovici, les maisons seraient mieux isolées et moins chauffées, les conseils d'administration se réuniraient par visioconférences au lieu de prendre l'avion… autant de choses que « nous avons du mal à admettre dans nos cervelles d'enfants gâtés ». (Voir la vidéo)
Le court-termisme des élus
Deux ans après la réunion du Grenelle de l'Environnement, « il nous faut gravir l'Everest et on a fait le huitième du quart du chemin jusqu'au camp de base », résume Jean-Marc Jancovici.
Nos élus sont guidés par une vision à court-terme qui les empêche d'imposer aux électeurs ce qui serait, à long terme, bon pour eux.
« Les gens qui nous gouvernent sont nuls sur la compréhension de la
contrainte : ils n'ont pas fait de physique et continuent à raisonner
dans un univers infini qui n'existe pas. » (Voir la vidéo)
« On confond nos besoins et nos désirs »
Jean-Marc Jancovici n'a pas de téléphone portable, ne mange pas de viande rouge et se déplace en transports en commun. Une certaine frugalité qu'il nous propose d'adopter, par nécessité. Nous ne sommes visiblement pas prêt :
« La barrière de ce qu'on appelle un luxe n'arrête pas de se déplacer, sauter dans un avion comme on respire est devenu normal. On confond nos besoins, qui sont de boire, manger, se reproduire et socialiser, avec nos désirs solvables. »
Et à ceux qui croient que le progrès scientifique pourrait nous tirer d'affaire, il répond tout net :
« La technologie s'investit là où le système socio économique lui dit d'aller : c'est la loi qui orientera le progrès. Jusqu'ici nous vivons à crédit écologique. »
S'il a écrit ce livre après « Le Changement climatique expliqué à ma fille », c'est qu'il pense que le consommateur a le pouvoir de réveiller les politiques sur ces enjeux.
« C'est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde » de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, Seuil, 2009.
http://eco.rue89.com/2009/05/11/jean-marc-jancovici-on-vi...
10:55 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jancovici, écologie
Commentaires
www.terra-economica.info/spip.php?page=article&id_article=4652
"Le seuil de danger, soit 2° d’augmentation des températures, risque d’être atteint. Comment l’éviter ?
Jean Jouzel ( un économiste spécialiste du climat ): Je ne veux pas jouer les oiseaux de mauvais augure mais, même si nous parvenons à stabiliser la température à + 2°, cela ne garantit aucunement un monde calme. Il faut suivre les recommandations de mon confrère James Hansen, de la Nasa, qui n’est pas optimiste. Il part des objectifs européens de réduction des niveaux de concentration de CO2 dans l’atmosphère. Notre continent s’est fixé un niveau ambitieux de 550 particules par million [ppm]. Problème : il est insoutenable ! Et plus inquiétant encore : atteindre 450 ppm – ce qui suppose un effort très soutenu – n’empêcherait ni la disparition des glaces de la planète ni l’élévation très sensible du niveau des mers. Hansen conclut donc qu’il n’y a pas d’autre choix que de se limiter à 350 ppm si l’on veut conserver notre climat dans l’état où il se trouve aujourd’hui. Or nous en sommes déjà à 380 ppm"
Écrit par : autres précisions | 19/05/2009
www.rue89.com/passage-a-lacte/2009/05/24/et-si-on-poussait-lindustrie-du-cinema-a-moins-polluer
"Le Festival de Cannes, dont la 62e édition s'achève ce dimanche avec l'annonce du palmarès, fait certes rêver le grand public, mais cauchemarder les écolos… L'impact sur l'environnement d'un tel événement les fait frémir au moins autant que le plus épouvantable des films de Carpenter.
Pire : production audiovisuelle et cinématographique en général affichent un bilan carbone catastrophique. Eclairage, voyages en avion, groupes électrogènes, pollution des sites de tournage mettent à mal notre belle planète.
A titre d'exemple, le tournage de 1 000 épisodes de la série marseillaise « Plus belle la vie » représentent 70 000 litres d'essence consommée pour plus d'un million de kilomètres parcourus par les véhicules de la production. "
Écrit par : cinéma et écologie | 25/05/2009
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