26/10/2008
L'air de l'Himalaya est aussi pollué que celui des villes d'Europe
Le Toit du monde n'est plus cet îlot de pureté que l'on imagine encore souvent. Pour la première fois, une équipe de chercheurs franco-italienne a pu réaliser dans l'Himalaya des mesures à plus de 5 000 m d'altitude et constater la présence de particules de suie à des niveaux de concentration surprenants dans un espace aussi vierge.
Les relevés ont été effectués au Népal à partir de la station de surveillance atmosphérique Nepal Climate Observatory, la plus haute du monde (5 079 m). "Nous ne nous attendions pas à ces résultats : ils témoignent de niveaux de pollution comparables à ceux de villes européennes", reconnaît Paulo Laj, du laboratoire de météorologie physique de l'université de Clermont-Ferrand, qui a participé à l'étude menée avec l'université de Bologne et publiée récemment dans les "Comptes rendus de l'Académie des sciences américaine" (PNAS).
Les données atmosphériques dans cette partie du monde sont très rares. Une autre équipe - finlandaise - travaille au Népal, mais elle est jusqu'à présent restée sous la zone des 2 000 m. L'énorme logistique nécessaire à l'installation des stations d'observation est évidemment un frein.
L'étude met en évidence deux phénomènes inquiétants. Portée par les vents, la pollution des grandes métropoles d'Asie du Sud-Ouest peut parcourir des milliers de kilomètres et remonter jusqu'aux sommets élevés de l'Himalaya. Dans la zone de contact entre l'air propre issu des très hautes altitudes et les masses polluées venues des vallées, les chercheurs ont, de plus, recensé la formation de nouvelles particules de dimensions nanométriques qui amplifient la pollution. C'est, là aussi, la première fois qu'un tel phénomène est observé à cette altitude.
"Le dioxyde de carbone est considéré comme l'ennemi numéro un dans la lutte contre le changement climatique, mais le système climatique est complexe et les études montrent de plus en plus que les particules atmosphériques sont aussi des acteurs importants du réchauffement", relèvent les chercheurs.
Le danger est évidemment que cette situation accélère la fonte des glaciers himalayens. Le recul important des fronts glaciers au cours des dernières décennies est d'ores et déjà considéré comme l'une des manifestations les plus inquiétantes du réchauffement global. Avec ses 33 000 km2 de surfaces gelées, l'Himalaya est souvent désigné par les climatologues comme le "troisième pôle" après l'Arctique et l'Antarctique, même s'il n'a jusqu'à présent pas fait l'objet de la même attention.
Le Groupe international d'experts sur le changement du climat (GIEC) estime que de nombreux glaciers himalayens pourraient avoir disparu d'ici à 2035, avec des conséquences considérables pour l'ensemble de l'Asie centrale, où vit 40 % de la population mondiale.
Cela pour plusieurs raisons. La liquéfaction des masses de glace crée, en aval, des lacs - près de 500 ont été dénombrés - potentiellement dangereux pour les populations vivant sur les premiers contreforts et dans les vallées. Des débordements brutaux se sont déjà produits. Mais surtout le régime hydrologique des plus grands fleuves comme l'Indus, le Gange, l'Amou-Daria ou le Yangzi dépend étroitement du fonctionnement de cette "calotte" himalayenne.
"Dans un premier temps, l'eau libérée viendra gonfler leur débit puis, dans un second temps, l'inverse se produira, l'eau viendra à manquer et l'apport vital des glaciers, surtout pendant la saison sèche, fera défaut", explique Christian Vincent, du laboratoire de glaciologie et de géophysique de l'environnement (CNRS) de Grenoble.
Près de 1,3 milliard de personnes pourraient être confrontées à des risques accrus de pénurie d'eau, selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).
Si le Gange devenait saisonnier - ce que n'excluent pas les scientifiques -, plus de 400 millions de personnes vivant dans la plus grande zone d'agriculture irriguée de l'Inde seraient affectés. Et le PNUE ne comptabilise pas, ici, la population qui, au total, à l'échelle du pays, serait touchée par la baisse des rendements agricoles.
Quand cela se produira-t-il ? "Il est difficile de le dire. L'Himalaya est l'un des massifs montagneux les moins bien observés au monde", indique Christian Vincent. La plupart des informations disponibles sont fournies par des photos aériennes qui permettent seulement de mesurer le recul des fronts glaciers, un indicateur très insuffisant pour comprendre le fonctionnement de ces monstres froids. Le massif alpin, avec ses 2 500 km de glaciers, compte deux fois plus de postes d'observation que l'Himalaya tout entier.
Les bouleversements en cours sont lourds de menaces pour la stabilité de cette partie du monde. Les écologistes en sont convaincus. Wouter J. Veening, de l'Institut néerlandais pour la sécurité environnementale, juge urgent d'établir un réseau d'alerte.
"La vie de plus de 1 milliard de personnes est concernée ; nous devons identifier les zones les plus fragiles et évaluer les risques de conflits", affirme-t-il.
Le degré de pollution découvert au sommet de l'Himalaya lui donne un argument supplémentaire.
Laurence Caramel
( le monde 26/10/08)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2008/10/25/l-air-de...
11:24 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Fumées domestiques, des pollutions méconnues et pourtant mortelles
La pollution de l’air intérieur liée à l’usage domestique de combustibles comme le bois ou le charbon serait responsable de près de 3 millions de morts par an d’après un rapport récemment publié par Green Cross Suisse et le Blackwell Institute (USA).
Le deuxième risque environnemental pour la santé, après la contamination de l’eau
Plus de 50 % de la population mondiale utilise le charbon et les combustibles issus de la biomasse (bois, fumures, résidus de culture) pour cuisiner, se chauffer ou s’éclairer. Ces utilisations ont généralement lieu dans des habitats confinés, à faible ventilation, et exposent les femmes et les enfants à des fumées toxiques en moyenne 7 heures/jour. La combustion incomplète des matériaux provoque des dégagements de gaz très nocifs, comme les aldéhydes, le benzène ou le monoxyde de carbone et les particules fines présentes dans l’air des maisons ont des niveaux 20 fois supérieurs à la norme admise par l’EPA (Environmental Protection Agency, USA), 200 fois supérieurs pendant la préparation des repas. Les effets sur la santé de ces gaz et de ces particules volatiles sont tout à fait dramatiques. La pollution de l’air intérieur représenterait 4 % de la charge mondiale de morbidité, et serait, après les eaux insalubres, le 2e facteur environnemental de maladies graves à mortelles. En Chine, 16 % des décès de femmes sont dus à des infections pulmonaires, en Inde, les maladies respiratoires sont les plus importantes, représentant 12 % des diagnostics. L’exposition aux fumées provoque des cataractes, cancers du sein, bronchites aiguës et tuberculoses, et serait également la cause de nombreuses naissances prématurées à haut risque.
Face à cette pollution intérieure, les chiffres sont difficiles à estimer. L’OMS évalue à 1,5 million le nombre de morts par an, alors que le rapport 2008 de Green Cross annonce près de 3 millions. Quoi qu’il en soit, les fumées domestiques représentent un véritable fléau dans les pays en voie de développement et tuent plus encore que le paludisme (1,3 million)
www.univers-nature.com/inf/inf_actualite1.cgi?id=3433
Écrit par : Fumées domestiques, des pollutions méconnues et pourtant mortelles | 15/12/2008
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