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14/08/2007

le point sur les centrales nucléaires


«Les centrales nucléaires sont des sites à haut risque»
Bernard Laponche, expert en énergie, analyse l’utilisation mondiale de l’atome.
Consultant en politiques de l’énergie, Bernard Laponche est un des rares experts indépendants du nucléaire en France.
Le nucléaire est-il vraiment une énergie «verte» ? 
C’est une excellente publicité faite au nucléaire, mais elle ne résiste pas à l’examen. Il est vrai que, par kWh (kilowattheure) produit, le nucléaire émet très peu de gaz à effet de serre. Pas zéro, car les usines et le transport du combustible, ainsi que la construction et le démantèlement des centrales produisent du CO2. Cela représenterait 6 à 30 grammes de CO2 équivalent par kWh, ce qui est faible, mais supérieur aux émissions de l’éolien. Une centrale à charbon classique émet, elle, 400 grammes de CO2 équivalent par kWh, contre 200 pour une centrale à gaz à cycle combiné. Il suffirait donc de remplacer des centrales à charbon par des centrales à gaz pour diviser par deux les émissions de CO2. En France, si on fournissait aux consommateurs la même quantité d’électricité que celle provenant des centrales nucléaires avec des centrales à gaz à cycle combiné, on n’augmenterait que de 18 % les émissions de CO2, et de 12 % les gaz à effet de serre : ce n’est pas rien, mais cela montre que la solution du problème global est ailleurs. Par ailleurs, le nucléaire n’est utilisé que pour produire de l’électricité. Le secteur le plus vulnérable en termes de sécurité d’approvisionnement, et le plus inquiétant pour l’environnement, est celui des transports, qui dépend à 90 % des produits pétroliers. De toute façon, si on prend le critère de l’effet de serre, la première parade, ce sont les économies d’énergie. Un pays comme l’Allemagne ne s’y trompe pas : la décision de «sortie du nucléaire» y est un aiguillon puissant pour les pouvoirs publics, les collectivités locales et les industriels. L’aveuglement français sur la monoculture nucléaire risque en revanche de pénaliser le développement de nouvelles sources et techniques favorables à l’environnement, à la sécurité énergétique et au développement régional et local. Enfin, même si le nucléaire est bien placé côté CO2, il l’est très mal côté accidents, déchets, et prolifération. Il se compare très défavorablement aux renouvelables avec lesquelles il y a peu de risque d’accident !
L’énergie fournie par les renouvelables est marginale par rapport à celle du nucléaire… 
Détrompez-vous ! Les renouvelables représentent en 2004, d’après les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), 12,8 % de la consommation mondiale d’énergie primaire, contre 6,5 % pour le nucléaire. En ce qui concerne la production d’électricité, la proportion est de 18,2 % pour les renouvelables et 15,7 % pour le nucléaire. Raisonnons en énergie finale, celle livrée aux consommateurs : en France - qui a de loin la plus forte proportion de nucléaire (78 % de la production d’électricité) - la part de l’électricité est de 22 % de la consommation finale, et la contribution du nucléaire est de 17 % de la consommation finale d’énergie. Quant aux nouvelles centrales électriques installées, en moyenne annuelle sur 2000-2004, le nucléaire représente 3 %, l’éolien 5 %, l’hydraulique 10 %, le pétrole 5 %, le charbon 25 %, et le gaz naturel 50 %.
Il y a malgré tout une tentation, dans le monde, de retour au nucléaire… 
Tant que les techniques proposées ne répondront pas à ces trois dangers que sont les accidents, les déchets et la prolifération - dangers soulignés par l’AIE -, les commandes ne décolleront pas. La Chine dit qu’elle veut construire 40 centrales nucléaires sur vingt ans, mais elle veut aussi construire 700 centrales à charbon ! Si relance du nucléaire il y a, ce ne sera sûrement pas avec la même famille de réacteurs que celle d’aujourd’hui. En France, l’EPR, ce n’est pas la troisième génération mais le dernier «modèle» de la génération actuelle, la deuxième, dont la technologie date des années 60, avec les trois dangers déjà cités. Quant à la «quatrième génération», il semble que ce qu’on nous prépare en France, c’est un surgénérateur au plutonium et au sodium - l’un et l’autre dangereux - de type Superphénix… arrêté par la France en 1998. Pas une solution viable.
Où en sommes-nous du problème des déchets ? 
Pour résumer, les puissances nucléaires se retrouvent avec, sur les bras, des combustibles irradiés non retraités stockés (dans des piscines ou stockages à sec), et/ou des déchets «vitrifiés», sans parler des nombreux déchets de plus faible activité mais de plus gros volume, dont les moins dangereux sont stockés en surface. Qu’est-ce qu’on en fait ? Le plus raisonnable serait de les stocker de façon réversible en subsurface (hangars accessibles à profondeur moyenne, sous une colline par exemple). La solution préconisée en France, c’est le stockage géologique profond étudié au laboratoire de Bure [dans la Meuse, ndlr]. Mais les opposants disent qu’on ne peut pas mettre ça dans la croûte terrestre, car on ne sait pas comment ça va évoluer dans trois cents ou mille ans ! Une question éthique majeure.
Et la prolifération ? 
Il y a deux risques : étatique, et terroriste. Tout pays qui possède la technologie nucléaire dite civile peut fabriquer une bombe. Si vous pouvez faire de l’enrichissement d’uranium ou extraire le plutonium de combustibles irradiés, c’est bon. Quant aux risques terroristes, si vous vous procurez des combustibles irradiés ou des matières radioactives, il suffit de les mélanger avec des explosifs classiques pour faire une bombe sale.
Le nucléaire n’est donc pas une énergie d’avenir… 
Personne ne se rend compte de l’espèce de bazar que cela représente, alors que cette énergie est marginale dans le monde. Et, quand vous arrêtez une installation nucléaire, c’est là que les ennuis commencent ! Toutes ces centrales sont des sites à haut risque qu’il faut démanteler. Superphénix, dix ans après, ça continue encore, et probablement pour longtemps ! Et on aura en France 58 centrales à démanteler ! La production d’électricité doit être quelque chose de simple, robuste, et surtout pas hyperdangereux.

Libération ( 11/08/07)