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17/11/2008

portrait de S.Royal par Laure ADLER

Une femme de désir


>> Ce n'est pas une anecdote mais une manière de vivre: en 1988, Ségolène Royal, conseillère à l'Elysée, se décide tard à demander une circonscription au Président qui lui rétorque: "Si vous voulez y arriver, il faut foncer. Il est peut-être trop tard." Ségolène foncera et arrivera à conquérir les Deux-Sèvres et à s'y maintenir pendant vingt ans.


Mais avez-vous vu La Vie moderne, ce film formidable de Raymond Depardon et Claudine Nougaret sur la vie des paysans? On y voit des êtres qui vivent en harmonie avec la nature et avec eux-mêmes. Alors, Ségolène la moderne? Vilipendée, elle reste fidèle à sa méthode inventée il y a vingt ans sur le terrain: croire en l'intelligence de chacun, ne pas s'enfermer dans l'appareil. On la dit narcissique, hystérique, capricieuse. Oui, Ségolène s'aime. Et alors? D'ailleurs, elle est de plus en plus belle.

On la juge sans colonne vertébrale idéologique et on répète qu'elle change d'idée comme de chemise. Qui d'autre, dans son parti, a sillonné la France, fait appel aux jeunes, créé des chantiers intellectuels et politiques, des forums sur Internet? On se moque de son "ordre juste", oubliant que l'expression est de Jaurès, et de son "aimez-vous les uns les autres ou bien disparaissez", hommage à la femme debout qu'est Juliette Gréco.

Ségolène dit qu'elle a envie. L'appétit de jouissance a toujours été, en politique, un facteur important. Ségolène a du désir et inspire du désir. En tout cas chez les militants. Ségolène surfe sur l'événement. Ségolène scénarise. Mais comment le lui reprocher au moment où la politique devient la construction d'un récit, la fabrication d'icônes médiatiques.

Ségolène s'accroche. Elle a ses convictions. On sous-estime son instinct de révolte et la passion qu'elle prend à faire de la politique. Après sa défaite - qu'elle a eu du mal à réaliser -, elle a fait son autocritique et compris qu'elle ne pouvait jouer solo. En bonne mitterrandienne, elle sait qu'il y a des moments dans la vie où le pouvoir se conquiert à l'arraché à condition de savoir fendre l'armure. (jdd)

* Journaliste, écrivain, ancienne conseillère de François Mitterrand à l'Elysée.

www.lejdd.fr/cmc/politique/200846/une-femme-de-desir_165291.html

Permis de conduire "Solférino"

PS : ils sont devenus fous
Paul-Henri Du Limbert
17/11/2008 | Mise à jour : 09:49 | Commentaires 4

Crédits photo : AFP
L'éditorial de Paul-Henri du Limbert du 17 novembre.

«Nous finirons bien par nous aimer !» Il fallait toute l'audace oratoire de Ségolène Royal pour oser cette exclamation, dimanche matin, à Reims. On ne sait si les socialistes s'aimeront un jour, mais on est obligé de constater qu'aujourd'hui ils se haïssent comme jamais.

En réalité, ils sont devenus fous. Le jusqu'au-boutisme des ego et des détestations a pris le pas sur tout le reste, entraînant le parti dans une logique infernale. Ségolène Royal est dure au mal, Martine Aubry aussi ; entre les deux, il n'y a aucune raison que le combat cesse. Qui peut sérieusement penser que le vote des militants, cette semaine, arrêtera cette implacable machine à perdre ? Martine Aubry première secrétaire ? Les «royalistes» crieront au scandale, fustigeront les petits arrangements, le complot des vieux «éléphants». Ils contre-attaqueront d'une manière ou d'une autre et prépareront la candidature présidentielle de leur championne, dans le parti ou en dehors s'il le faut. Ségolène Royal première secrétaire ? Ses adversaires déploreront la trahison de l'idéal socialiste, dénonceront le futur «parti de supporteurs» et s'organiseront pour lui rendre la vie impossible Rue de Solferino, où ils sont majoritaires.

Les mots de «scission» et d'«explosion» n'ont pas été prononcés à Reims, mais ils étaient dans toutes les têtes. Cette perspective, qui est réelle, est d'autant plus absurde qu'elle ne repose pas sur des divergences de fond argumentées et convaincantes. On a bien noté que Martine Aubry, dans son discours, avait donné un sérieux coup de barre à gauche pour se différencier de sa rivale. Dans ses attaques contre Nicolas Sarkozy, elle a rappelé parfois le François Mitterrand de 1981 lorsqu'il s'attaquait à Valéry Giscard d'Estaing. Mais dans cette posture, Ségolène Royal n'est pas non plus maladroite, comme on l'a vu depuis deux mois dans ses critiques contre les réponses du chef de l'État à la crise financière. Sur la question de l'alliance ou non avec le MoDem, présentée comme fondamentale à Reims, on reste sceptique sur la nature des divergences entre Aubry et Royal. Pourquoi ? Parce que la maire de Lille, qui jamais au grand jamais ne «pactisera» avec la droite ou ce qui lui ressemble, a bel et bien conclu un accord avec les bayrouistes lors des municipales du mois de mars…

Tous les arguments soulevés par les anti-royalistes sont factices, tactiques, et d'abord destinés à cacher une réalité inavouable : ce qu'ils n'aiment pas chez Ségolène Royal, c'est… Ségolène Royal. Sa façon d'être, de parler, peut-être même de s'habiller, son goût de la provocation, et le fait que la «solferinologie» lui semble une science dépourvue d'intérêt. C'est comme si elle n'était pas de la famille, alors qu'elle a pris sa carte du parti il y a trente ans.

Le PS en est là. Ce matin, il va un peu plus mal que vendredi et son état pourrait s'aggraver encore jeudi, après le choix du premier secrétaire. Deux partis cohabiteront au sein d'un même parti. Ils pourraient bien finir par se haïr définitivement et irrévocablement. «Il va falloir oublier ces offenses, les effacer, un jour nous les pardonner», disait dimanche Ségolène Royal. Pour parler comme elle, on a envie d'ajouter : «Que Dieu les aide !»