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12/11/2008

Le glaciologue français Claude Lorius est "très pessimiste"

é en 1932 à Besançon, père de la glaciologie moderne, Claude Lorius doit recevoir, mercredi 12 novembre, à Tokyo, le prix Blue Planet, l'une des plus prestigieuses récompenses internationales dans le domaine de l'environnement. En 1987, avec Jean Jouzel et Dominique Raynaud, il a été le premier à exploiter la présence de CO2 dans les carottes de glaces polaires pour établir un lien expérimental entre changements climatiques et concentrations des gaz à effet de serre.


Un peu plus de vingt ans après vos travaux publiés en 1987 dans la revue Nature, tout le monde se pose la question : est-ce réversible ?

Honnêtement, je suis très pessimiste... Sur les CFC (chlorofluorocarbures), on voit bien que l'arrêt de leur utilisation a permis de réduire le trou dans la couche d'ozone, mais en ce qui concerne la crise climatique, on sait que même si on stabilisait aujourd'hui les émissions de CO2, ce gaz à effet de serre ne disparaîtrait pas pour autant. Il est là pour un moment...

Il est difficile de dire si on a dépassé les limites, mais il est évident qu'on va subir un réchauffement : on prévoit d'ici la fin du siècle un bond climatique qui pourrait être équivalent à celui que la planète a franchi en dix mille ans pour passer de l'âge glaciaire à l'holocène ! Et je ne vois pas que l'homme ait actuellement les moyens d'inverser la tendance.

Poussant jusqu'au bout la logique d'un dérèglement du climat, certains évoquent aujourd'hui le retour d'une ère glaciaire. Est-ce envisageable ?

Dans un certain nombre de milliers d'années... Aujourd'hui, c'est totalement hors de propos ! Les périodes de réchauffement et de glaciation montrent des cycles de 100 000 ans, dus à la trajectoire de la Terre autour du Soleil en suivant une ellipse qui s'altère très légèrement, mais suffisamment pour modifier le climat sur ces très longs termes. Ce qui est nouveau, et que nous avons montré avec l'analyse des bulles d'air emprisonnées dans la glace, c'est que désormais l'homme, en multipliant les gaz à effet de serre, a accéléré un cycle de réchauffement sur un très court terme.

Rapide, irréversible... Cela ressemble tout de même à un scénario catastrophe.

Je ne crois pas que l'homme va disparaître. Les paysages vont changer, les glaciers vont fondre : la liste des impacts est impressionnante parce que, sur cette question, tout est interdépendant... Ainsi, si le permafrost - ce couvercle de glace qui recouvre les sols arctiques - fond, il va libérer du méthane qui, en retour, va accentuer l'effet de serre et aider ainsi à la fonte des glaces. Et plus la surface de celles-ci diminue, plus leur pouvoir réfléchissant disparaît, amplifiant encore le réchauffement...

C'est sûr, nous aurons des catastrophes, des cataclysmes, des guerres. Les inondations, les sécheresses, les famines s'amplifieront, mais l'homme sera toujours là. Ce que nous devons comprendre, c'est que nous entrons dans une nouvelle ère, l'anthropocène, où pour la première fois dans l'histoire de la Terre, l'homme gouverne l'environnement. Il est la première cause des menaces et modifications qui pèsent sur la planète : à lui de savoir ce qu'il veut en faire et comment il va se comporter avec elle.

Une nouvelle ère ?

L'idée n'est pas de moi, mais elle est essentielle dans la compréhension des évolutions du monde dans lequel nous vivons. C'est le Prix Nobel de chimie Paul Crutzen, qui - le premier - a associé le début de l'anthropocène à l'augmentation des concentrations en CO2 telle que l'a montrée l'analyse des glaces. Mais cet impact humain ne concerne pas seulement le climat. L'occupation des sols, l'utilisation des ressources, la gestion de nos déchets sont autant d'agressions à la planète qui relèvent de l'homme et le menacent.

Pour le réchauffement climatique, la question de l'énergie est le levier essentiel. Au XXe siècle, alors que la population était multipliée par quatre, la consommation d'énergie dont dépendent les émissions de gaz carbonique était multipliée par 40 ! Certains affirment aujourd'hui que la courbe d'augmentation de la population va se calmer. Sans doute. Mais la courbe de la consommation d'énergie, elle, n'a aucune raison de plonger !

Si l'homme est responsable, gardien de cette Terre, quels moyens a-t-il de la sauver ?

Pour le coup, ce n'est pas mon domaine de compétence... Je ne sais pas. Et c'est là que réside mon pessimisme : je ne vois pas comment on va s'en sortir. Le problème majeur est la question de l'énergie. Il faut arriver sur ce plan à une gouvernance internationale, mais ce n'est pas possible actuellement, ou en tout cas je ne vois pas comment... Regardez le Grenelle de l'environnement ! C'était un bel effort, mais au final, il n'y a pas l'argent suffisant pour mener une politique efficace à court terme... La moindre velléité de mettre une taxe sur les 4×4 rend les politiques fébriles de devenir impopulaires... et ce n'est pas en habillant Total en vert qu'on va changer quoi que ce soit.

N'existe-t-il pas de possibilité d'un nouvel ordre économique basé sur le développement durable ?

Le développement durable est une notion à laquelle je ne crois plus. On ne peut pas maîtriser le développement. Et pour être durable, il faudrait être à l'état d'équilibre, or cet équilibre n'existe pas. C'est un terme trompeur. Avant, j'étais alarmé, mais j'étais optimiste, actif, positiviste. Je pensais que les économistes, les politiques, les citoyens pouvaient changer les choses. J'étais confiant dans notre capacité à trouver une solution. Aujourd'hui, je ne le suis plus... sauf à espérer un sursaut inattendu de l'homme.

http://www.lemonde.fr/planete/article/2008/11/11/un-exper...

 

Commentaires

Pour le moins alarmant, un récent rapport publié par le WWF revient sur les prévisions fournies par les experts du GIEC (1) lors de la publication de leur quatrième rapport. S’appuyant sur les dernières études scientifiques parues, il révèle une accélération notable des changements climatiques dont les répercussions ont été sous-estimées.

Selon le WWF, le réchauffement inférieur à 1°C enregistré jusqu’alors sur la Terre a déjà passé un point de non-retour dans le système climatique terrestre, à savoir la disparition des glaces de mer d’été de l’Arctique. Selon toute vraisemblance, ce processus survient 30 ans, voire plus, avant la date initialement prévue par le dernier rapport du GIEC. Or, l’absence des glaces de mer, en assombrissant la surface des océans, devrait générer une augmentation de la température de l’eau et, par voie de conséquence, une modification des courants océaniques. En mer du Nord et en mer Baltique, les écosystèmes marins sont dès à présent exposés aux températures les plus élevées jamais enregistrées dans cette région, avec pour principale retombée une mise à mal des facultés d’adaptation des espèces végétales et animales locales.

L’élévation des températures n’est pas le seul problème auquel sont confrontés les océans. La fonte des glaciers, notamment dans la péninsule antarctique et au Groenland, fait monter le niveau des océans. En comparaison avec les données avancées par le GIEC en 2007, l’élévation du niveau de la mer serait ainsi 1,5 fois plus rapide que prévu, présageant un avenir incertain pour les zones côtières les plus exposées.

Dépendant des ressources que lui fournissent ces écosystèmes, l’homme est lui aussi victime des changements climatiques. Des chercheurs ont ainsi démontré que la tendance au réchauffement du globe depuis 1981 s’est déjà traduite par une baisse des rendements mondiaux de blé, de maïs et d’orge, enregistrant une perte estimée à 5 milliards de dollars par an.

Par ailleurs, les émissions mondiales de CO2 continuent à croître, leur taux de croissance depuis 2000 s’avérant plus élevé que celui annoncé par le GIEC. Et, si l’on considère que cette accélération des émissions globales de CO2 s’accompagne d’un déclin plus rapide de la capacité d’absorption de CO2 des océans, il semble peu probable que la situation s’améliore dans les années à venir.

www.univers-nature.com/inf/inf_actualite1.cgi?id=3418

Écrit par : Les changements climatiques plus sévères que prévus | 15/12/2008

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